L'Education
nationale a en effet mis au point de nouveaux programmes d'histoire pour le
collège. On saluera le souci de ne pas faire «disparaître de cet enseignement
le cadre national ni la perspective chronologique propre à l'histoire». Alors
que la France se divise en communautés disparates sans parvenir à forger une
destinée et une fierté communes, on approuvera aussi la visée poursuivie par
ces nouveaux programmes: «Dans un ordre chronologique, le programme permet de
mieux lire et comprendre le monde d'aujourd'hui en insistant sur des moments
forts, des traits marquants des sociétés du passé et des problématiques
indispensables à la formation du citoyen.»
C'est en
parcourant ensuite la liste des sujets abordés que l'inquiétude surgit: le
Conseil supérieur des programmes (CSP) distingue les sujets «obligatoirement
étudiés» des sujets «traités au choix de l'enseignant». Ainsi, l'étude de l'Islam sera obligatoire, mais
celle du christianisme médiéval facultative - ceux qui choisiront de
l'enseigner devront le faire uniquement sous l'angle de l' «emprise de l'Eglise
sur les mentalités rurales». Dans une société en mal d'intégration et de
cohésion nationale, on ne manquera pas de s'étonner d'une curiosité si grande
pour les religions venues d'ailleurs, et d'une révulsion si manifeste pour nos
racines judéo-chrétiennes. N'est-ce pas pourtant en redonnant à l'élève ces
racines que nous le rendrons d'autant plus ouvert à l'altérité? Par ailleurs,
où est-il passé, ce «cadre national» que le CSP évoquait précédemment?
Il apparaît
ensuite, nous objectera-t-on. C'est vrai, le cadre national est abordé à
travers l'étude obligatoire des heures sombres ou controversées du passé
(esclavage, colonisation, génocides, déportation…). En revanche, l'enseignement
de l'humanisme et des Lumières, problématiques qu'on croirait pourtant
«indispensables à la formation du citoyen», n'est que facultatif. Nos repères
communs seront donc extraits des cultures venues d'ailleurs et des tragédies de
notre histoire. Plutôt que d'amener l'élève à puiser à la source du
christianisme, de l'humanisme et des Lumières, le CSP préfère écouler ses
stocks de repentance amère et éculée.
Il ne
s'agit pas ici de mettre en cause l'importance du «devoir de mémoire» ; nous
affirmons seulement que la mémoire ne formera le citoyen qu'à condition de
l'inspirer et de le libérer, en lui proposant le terreau vivant d'une action
positive et généreuse. Plutôt que de séquestrer l'élève dans l'obscurité des
fautes et des blessures passées, que ne lui propose-t-on des épopées
nationales, des modèles, des figures de courage, d'unité et de résistance, dans
lesquels il pourra puiser des valeurs incarnées? Les jeunes générations ont
droit, aujourd'hui, à se fondre dans une histoire de France qu'ils pourront
enfin connaître et admirer.
Or,
loin d'évoquer les plus belles pages de notre histoire, le CSP entend une
nouvelle fois enfermer l'élève dans le culte de la culpabilité et de la haine
de soi. Le fait n'est pas nouveau: il y a bien longtemps que l'enseignement de
l'histoire se fourvoie chez nous dans un travail de sape et d'auto-flagellation
prodigieusement masochiste. Avec
la réforme du collège, un nouveau cap est franchi. Ne cherchez plus la crise de
la France: elle est là, dans ce retournement de soi contre soi." (Madeleine
Bazin de Jessey, Figaro Vox, 22 avril 2015)
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