D’un
côté, les cours de latin-grec. De l’autre, les prêtres. Les rapprocher serait incongru,
penserez-vous… Il existe pourtant des similitudes étonnantes. Aux yeux de notre
société ultra-connectée et marchande, tous deux semblent devenus dérangeants. Des étrangetés. Car, en apparence, ils ne
servent à rien, ne produisent rien qui puisse être vendu, ou réduit à un
slogan. Au point que l’Éducation nationale envisage sérieusement de supprimer
les cours de langues « mortes » au profit de l’anglais. Et que l’esprit du
temps souhaite à tout prix marier les prêtres, pour qu’ils soient enfin comme
tout le monde ! Voilà qui résoudrait, croit-on encore, la crise des vocations…
Sauf que, de
l’autre côté de l’Atlantique, où la liberté de l’enseignement prévaut, les
latinistes et hellénistes les plus doués sont des recrues de choix à Harvard,
pour leur non-conformisme intellectuel : plus imaginatifs et affranchis de la
logique binaire. « L’originalité
est un retour aux sources », disait déjà Gustave Thibon.
Toujours
aux États-Unis, l’Église assiste à un réveil surprenant des vocations
sacerdotales, avec leur radicalité d’une vie totalement donnée. En 2015, les
ordinations devraient faire un bond de 25 % par rapport à l’an dernier !
Paradoxe : c’est aussi le pays qui a été le plus affecté par la crise des abus
sexuels.
Le pays du
libéralisme, y compris moral, pionnier de l’économie numérique et champion de
la surconsommation, aurait-il développé, dans sa démesure, les anticorps
nécessaires à la survie d’une certaine idée de l’homme ? « Là où croît le péril, croît aussi ce qui
sauve », affirme le poète Hölderlin.
Ce qui
est en jeu, c’est de préserver la dimension de l’homme la plus niée
aujourd’hui : la vie de l’esprit, nourrie par la culture et la foi. La question
n’est donc pas celle du progrès, mais du progrès sans âme. Ce que réalise
Internet, c’est une capacité inégalée à toucher une multitude en un temps
record. Mais ce qui est gagné en surface ne doit pas être perdu en profondeur.
Il faudra toujours du temps à l’esprit humain pour assimiler des connaissances,
les intérioriser, et en faire une mémoire vécue, ayant sens et profondeur.
C’est ici qu’interviennent le latin et le grec, langues chargées d’histoire. De
notre histoire. En les supprimant, ce sont nos racines que l’on arracherait.
Ce qui
est gagné en surface ne doit pas être perdu en profondeur.
En
revanche, là où le prêtre se montre supérieur au latin, c’est qu’il ne se
contente pas de raviver notre mémoire. À travers les siècles, il nous
ramène à la source créatrice. Par l’eucharistie, il nous met au contact avec la
parole divine, dans sa fraîcheur toujours nouvelle. Voilà sans doute pourquoi un évêque, saint
Isidore, est le saint patron des internautes. Au VIIe siècle, il a réuni un
savoir encyclopédique. Mais il affirmait que « tout progrès vient de la lecture
et de la méditation. Car
la prière nous purifie, la lecture nous instruit ». (Famille Chrétienne, 21/04/2015, Aymeric Pourbaix)
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