La Semaine religieuse du
diocèse de Cambrai, 20º ANNÉE, Nº37 - 18 SEPTEMBRE 1937
Après avoir rappelé brièvement
les origines du soulèvement militaire et de la révolution communiste, les
Evêques espagnols fixent les caractères de ces deux mouvements.
Le soulèvement
civilo-militaire fut d'abord « un mouvement national de défenses des principes
fondamentaux de toute société civilisée»; puis, dans son développement, il
devient une réaction contre l'anarchie maîtresse d'un gouvernement qui n'a su
ni voulu assurer l'ordre.
Le mouvement
gouvernemental est « incontestablement, une contre attaque de la part des
éléments fidèles au Gouvernement; mais c'est avant tout une lutte en
association avec les forces anarchistes» «milices incontrôlables» «dont le
pouvoir a prévalu sur la nation». Car « la Russie, tout le monde le sait, s'est
« greffée» sur l'armée gouvernementale ». D'où les caractères de la révolution communiste
:
«A juger d’une
façon générale les excès de la révolution communiste espagnole, on peut
affirmer que, dans l'histoire des peuples occidentaux, on ne trouve aucun
phénomène semblable de sauvagerie collective, aucune accumulation semblable (et
en si peu de semaines) d'attentats contre les droits fondamentaux de Dieu, de la
société et de la personne humaine. Il serait difficile de découvrir au cours
des siècles une époque ou un peuple qui nous offrent de telles et si nombreuses
aberrations. Nous ne faisons ici aucune interprétation de caractère
psychologique ou social, cela réclamerait une étude particulière. Cette révolution
anarchiste est «exceptionnelle dans l'histoire ».
Il convient
d'ajouter que l'hécatombe de personnes et de choses réalisées par la révolution
communiste fut « préméditée» (1). Peu de temps avant la révolte, étaient
arrivés de Russie 79 agitateurs spécialisés. La Commission nationale
d'unification marxiste, à ce moment-là, ordonnait la constitution de milices
révolutionnaires dans toutes les villes. La destruction des églises ou au moins
de leur mobilier fut systématique et en série. Dans le court intervalle d'un
mois, tous les temples furent rendus inutilisables au culte. Dès 1931, la Ligue
athée comprenait dans son programme un article ainsi conçu: « Plébiscite sur la
destination qu'on doit attribuer aux églises et maisons paroissiales»; et un
des Comités provinciaux énonçait cette règle: « Le local ou les locaux
consacrés jusqu'à présent au culte seront destinés à des magasins collectifs, marchés
publics, bibliothèques populaires, maisons de bains ou d'hygiène publique,
etc., selon les besoins de chaque ville ». Pour l'élimination des personnes en
vue que l'on considérait comme ennemies de la révolution, on avait établi préalablement
des « listes noires ». Dans certaines, et en première place, figurait l'évêque.
Quant aux prêtres, un chef communiste avait dit, devant l'attitude du peuple
qui voulait sauver le curé de sa paroisse: « Nous avons l'ordre de détruire
toute cette graine ».
La Lettre énumère alors les caractères de la révolution
communiste :
Cette révolution
fut suprêmement cruelle. Le massacre revêtit des formes d'une barbarie
horrible. En ce qui concerne le nombre, on évalue à plus de 300.000 celui des
séculiers qui ont péri assassinés, uniquement pour leurs idées politiques et en
particulier religieuses: à Madrid, et pendant les trois premiers mois, on en
exécuta plus de 22.000. Presque pas un village où l'on n'ait éliminé les plus connus
des gens de droite. Quant à la « forme» : ni accusation, ni preuves, la plupart
du temps pas de procès. Sur le chapitre des supplices, voici: un grand nombre
furent amputés après avoir été abominablement mutilés; d'autres eurent les yeux
exorbités, la langue coupée, d'autres furent ouverts de haut en bas, brûlés ou enterrés
vifs, tués à coups de hache. Bref, on exerça le maximum de cruauté sur les
ministres de Dieu. Par pudeur et charité nous ne voulons pas préciser
davantage.
Cette révolution
fut « inhumaine ». On n'a pas respecté la pudeur de la femme, même de celle
consacrée à Dieu. On a profané les tombes et les cimetières. Dans le fameux
monastère de Ripoli, on a détruit les sépulcres; parmi eux se trouvait celui de
Guifre le Poilu, fondateur de la dynastie catalane, et celui de l'évêque Morgades,
restaurateur du célèbre monastère. A Yich, on a profané la tombe du grand
Balmès et nous lisons qu'on a joué au football avec le crâne du grand évêque
Terras y Bages. A Madrid et dans le vieux cimetière de Huesca, on a ouvert des
centaines de tombes pour dépouiller les cadavres de l'or de leurs dents et de
leurs bagues. Certaines formes de martyre supposent la subversion, sinon la
suppression totale du sens de l'humanité.
Cette révolution
fut « barbare », vu qu'elle anéantit l'œuvre d'une civilisation séculaire. Elle
détruisit des milliers d'œuvres d'art, dont plusieurs d'une renommée
universelle. Elle pilla et brûla les archives, rendant de la sorte impossible
la recherche historique et l'authentification des faits d'ordre juridique et
social. Il y a des centaines de tableaux poignardés, de sculptures mutilées, de
merveilles architecturales démolies pour toujours. Nous pouvons dire que le
trésor d'art, surtout religieux, accumulé pendant des siècles, a été
stupidement détruit en quelques semaines, dans les régions soumises aux
communistes. Même sur l'arc de triomphe de Bara, à Tarragone, œuvre romaine qui
datait de vingt siècles, la dynamite a exercé son action. Les fameuses
collections d'art de la cathédrale de Tolède, du palais du Liria, du musée du Prado,
ont été ignominieusement pillées. De nombreuses bibliothèques ont disparu. Aucune
guerre, aucune invasion barbare, aucune commotion sociale, dans aucun siècle,
n'avait causé en Espagne, ruine semblable. Il est vrai que furent employés pour
cela des moyens dont on n'avait disposé en aucun temps: une organisation
savante mise au service d'une terrible entreprise d'anéantissement, surtout des
choses de Dieu, et une technique moderne de locomotion et de destruction a la
portée de tout criminel.
Cette révolution a
foulé aux pieds les principes les plus élémentaires du « droit des gens ».
Qu'on se rappelle les prisons de Bilbao, où furent assassinés par la foule,
d'une façon inhumaine, des centaines de prisonniers; les représailles exercées
sur les otages que l'on gardait dans des vaisseaux et dans des prisons, sans
autre raison qu'un échec militaire; les assassinats en masse, les malheureux prisonniers
étant liés et arrosés par les mitrailleuses; le bombardement, sans objectif
militaire, des villes ouvertes.
Cette révolution
fut essentiellement « antiespagnole ». L'œuvre de destruction fut accomplie aux
cris de : « Vive la Russie! », à l'ombre du drapeau international communiste.
Les inscriptions murales, l'apologie de personnages étrangers, les
commandements militaires aux mains de chefs russes, la spoliation de la nation
en faveur de métèques, l'hymne international communiste, autant de preuves, et
suffisantes, de la haine portée à l'esprit national et au sentiment de la
patrie.
Mais surtout,
cette révolution fut « antichrétienne ». Nous ne croyons pas que, dans
l'histoire du christianisme, et dans un laps de si peu de semaines, se soit
produite une telle explosion de haine contre Jésus-Christ et sa sainte
religion. Dévastation si sacrilège que le délégué des rouges espagnols, envoyé
au Congrès des «sans-Dieu », à Moscou, a pu déclarer: « L'Espagne a surpassé de
beaucoup l'œuvre des Soviets, car l'Eglise, en Espagne, a été complètement anéantie
».
Les martyrs se
comptent par milliers; le témoignage qu'ils ont porté est une espérance pour
notre pauvre patrie; mais peut-être ne trouverions-nous pas, dans le
Martyrologe romain, une forme de martyre non employée par les communistes, sans
en excepter la crucifixion, et d'autre part, les objets et les machines
modernes ont permis de nouveaux supplices.
La haine envers
Jésus-Christ et la Vierge est arrivée au paroxysme, et, dans les centaines de
crucifix poignardés, dans les images de la Vierge bestialement souillées, dans
les affiches placardées à Bilbao, où l'on blasphémait sacrilègement la Mère de
Dieu, dans l'infâme littérature des tranchées rouges où l'on ridiculise les
mystères divins, dans la profanation réitérée des images sacrées, nous pouvons
deviner la haine de l'enfer, incarné en ces malheureux communistes. « J'avais
juré de me venger de toi », criait l'un d'eux à Notre-Seigneur enfermé dans le
tabernacle. Et, déchargeant sur lui son pistolet, il ajoutait: « Rends-toi aux
rouges, rends-toi au marxisme ».
La profanation des
reliques sacrées a été épouvantable: on a détruit ou brûlé les corps de saint
Narcisse, de saint Pascal Baillon, de la bienheureuse Béatrice de Silva, de
saint Bernard Calvo et de bien d'autres. Les formes assumées par la profanation
ont été si invraisemblables qu'on ne peut pas les concevoir sans supposer une
suggestion diabolique.
En terminant ce paragraphe de
leur Lettre, les Evêques dénoncent les véritables responsables de cette haine,
de cette barbarie, de cette férocité qu'on n'eût pas cru possible dans notre
siècle :
«Cette haine est
venue de Russie, importée par des Orientaux à l'esprit pervers ». Pour l'excuse
de tant de victimes, envoûtées par une «doctrine de démons », rappelons qu'au
moment de mourir, condamnés par la loi, nos communistes se sont, dans leur immense
majorité, réconciliés avec le Dieu de leurs pères. A Majorque, il n'en est mort
dans l'impénitence que 2 pour 100; dans les régions du Sud, pas plus de 20 pour
100, et dans celles du Nord peut-être pas 10 pour 100. C'est une preuve de la
tromperie dont a été victime notre peuple ».
(1) La preuve la plus éloquente que la
destruction totale des temples et le massacre total des prêtres étaient une
chose préméditée, c'est le nombre épouvantable des victimes. Quoique les chiffres
ne soient pas encore fixés, nous pouvons compter près de 20.000 églises
détruites ou entièrement pillées. Le nombre des prêtres assassinés (en moyenne
40 pour 100 dans les diocèses dévastés, dans quelques-uns cela va jusqu'à 80
pour 100) s'élève, pour le seul clergé séculier, à environ 6.000. On les chassa
avec des chiens; on les poursuivit à travers les montagnes, on les traqua avec
acharnement dans toutes les cachettes possibles. On les tua sans procès, le
plus souvent sur-le-champ, sans autre raison que leur fonction sociale de prêtres.