Marthe Robin est
née en 1902, dans une famille de petits agriculteurs, à la ferme des Moilles à
Châteauneuf de Galaure dans la Drôme. Handicapée à partir de l’âge de 16 ans,
elle a une vie mystique intense, tout en étant très présente à la vie du monde
et de l’Eglise et à tous ceux qui venaient lui demander conseils. Elle meurt en
1981. Le procès diocésain en vue de sa béatification a été ouvert en 1986. Le 7
novembre 2014, le Pape François a autorisé la Congrégation pour la Cause des
Saints à promulguer un décret reconnaissant les vertus héroïques de Marthe
Robin, une laïque française, fondatrice de l’Association des Foyers de Charité.
Un dossier
présentant une guérison miraculeuse obtenue par l’intercession de Marthe Robin
(1902-1981) a été déposé à Rome. Regard du P. Bernard Peyrous, postulateur de
la cause de béatification, sur son témoignage d’écoute et d’attention aux
autres pendant les 53 années qu’elle passa alitée.
Qu’est-ce qui
caractérise la figure de Marthe Robin ?
C’est une femme
très simple, d’origine paysanne, gravement handicapée, qui depuis sa chambre a
fondé les Foyers de charité [communautés de baptisés, dont la mission
principale est l’animation de retraites spirituelles. On compte 76 Foyers de
charité à travers le monde, dont 12 en France métropolitaine]. Précurseur de
Vatican II, elle a reçu plus de 100 000 personnes en entretien dans sa chambre.
C’est une femme qui a eu une influence énorme, qui a donné sa vie pour le
renouvellement de l’Église. Je vois en elle la sainte patronne de la Nouvelle
Évangélisation.
Comment peut-elle
toucher, aujourd’hui, les personnes fragiles, malades, en fin de vie ?
C’est le plus
important. Marthe Robin a eu une vie humaine perdue. Malade dès l’âge de 6 ans,
grabataire à 18 ans, elle a passé 53 ans dans son lit, souffrant affreusement
d’une encéphalite qu’à l’époque on ne pouvait ni soigner, ni soulager. Elle
représente ce que le monde actuel rejette : aujourd’hui l’euthanasie aurait sans
doute été proposée. Or son évolution spirituelle, puisqu’il s’agit bien de ça,
liée à la découverte de la Passion du Christ et de son amour donné jusqu’au
bout provoque en elle un véritable retournement. À partir d’une vie inutile,
elle devient l’une des femmes les plus influentes en France. Elle incarne
parfaitement le Magnificat : les pauvres, les inutiles, ceux qui n’ont pas de
place dans la société sont bénis par Dieu. Son témoignage est extrêmement fort.
Il triomphe de la faiblesse. Le chemin de Marthe Robin montre qu’il n’y a pas
d’explication à la vie humaine en dehors du Christ. C’est lui qui apporte une
lumière qui transforme toute situation. Au nom de la vie donnée par le Christ :
il y a toujours une espérance, aucune vie n’est perdue. Marthe Robin en est une
démonstration aveuglante.
Quelle parole
particulière retenez-vous d’elle ?
Marthe Robin a
beaucoup parlé, elle a eu de nombreuses conversations*. Mais ce qui s’exprime
d’abord chez elle, c’est un sourire de bonté, d’affection, de bienveillance. Ce
sourire d’amitié, même si on ne le voyait pas, est le plus frappant chez elle,
avec l’écoute et l’attention aux autres. Dans le livre « Ce que Marthe leur a
dit », nous avons sélectionné des paroles, pour la majorité publiées pour la
première fois, extraites de ses conversations, où elle est le plus elle-même.
Comme ce n’est pas un récit, le lecteur peut choisir de lire tel ou tel
passage, comme s’il conversait directement avec Marthe. Nous avons souhaité la
rendre familière à tout un chacun. On ne peut nier sa vie mystique tellement
forte, mais on doit respecter aussi sa discrétion et il y a certaines périodes
où l’on ne sait rien sur les phénomènes extraordinaires qu’elle vivait. Nous
avons effectué un tri important pour choisir les échanges qui permettent de la
voir telle qu’elle était, très humaine, dans son ordinaire. Elle incarne
parfaitement le verbe de Péguy, « le spirituel est devenu charnel » : dans son
lit, elle reçoit à la ferme et se rend extrêmement présente aux gens. Tous les
extraits proposés dans le livre me touchent, ce serait vraiment difficile d’en
choisir un.
Qu’est-ce que la
reconnaissance de l’héroïcité de ses vertus, en novembre 2014, dit de la vie de
l’Église en France ?
Les dépôts de
causes de béatifications françaises ont été très nombreux au XIXe siècle et
très faibles au XXe siècle. Tout à coup arrive à Rome toute une saisine de
causes : Robert Schuman, Edmond Michelet, Claire de Castelbajac, le P. Henri
Caffarel, Jérôme Lejeune, Marthe Robin, et bien d’autres encore. Ces dossiers
sont sérieux et bien menés. Nous risquons de connaître une série de
déclarations d’héroïcité des vertus et de béatifications ! La France de la fin
du XXe siècle connaît, en temps de crise, une sainteté très présente. Or les
saints sont des fondateurs, des pères et des mères, un espoir des temps
nouveaux. L’Église nous montre sa capacité à engendrer des saints, capables de
porter du fruit. La vie de Marthe Robin du point de vue humain est une
absurdité complète : mais son influence est extrêmement féconde. Elle a
d’ailleurs connu la plupart de ces personnes mortes en réputation de sainteté.
Elle était un carrefour et un carrefour de saints ! (Florence de Maistre, Eglise
Catholique en France, 20 avril 2015)