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quinta-feira, 10 de janeiro de 2019

10 JANVIER : SAINT GUILLAUME, ARCHEVÊQUE DE BOURGES (1120-1209)


SAINT GUILLAUME, ARCHEVÊQUE DE BOURGES


Saint Guillaume appartenait à la famille des comtes de Nivernais, alliée aux rois de France et aux seigneurs de Courtenay, qui donnèrent trois empereurs à Constantinople et un roi à Jérusalem. Par sa mère, Maëntia, il semble encore se rattacher au prédicateur de la première croisade, Pierre l'Ermite. Celui-ci, avant d'embrasser la vie monastique, avait en effet été marié. Ses enfants héritèrent de son nom et fondèrent la famille de l'Hermite ; c'est aussi le nom que portait le frère de Maëntia, archidiacre de Soissons.
Né vers 1120, le petit Guillaume montra dès son enfance une grande inclination aux choses de la piété; c'est pourquoi ses parents le confièrent de fort bonne heure à son oncle Pierre l'Hermite, qui le fit élever avec grand soin et lui transmit même son nom. Sous cette direction, il se forma à une pureté d'âme et de corps dont ont témoigné ses confesseurs et qui le prédestinait à la haute et sainte fonction qu'il devait un jour remplir.
Bientôt, selon l'usage du temps, il fut pourvu d'un canonicat dans l'église de Soissons, puis dans celle de Paris. Mais il aspirait à une union plus étroite avec Dieu. Aussi ne tarda-t-il pas à s'enfermer dans le monastère de Grandmont, au diocèse de Limoges. Malheureusement de fâcheuses discordes s'élevèrent parmi les religieux, de Grandmont et troublèrent la paix que Guillaume était venu chercher. Il profita donc de la permission accordée à tous par le pape de passer dans un autre Ordre, et, choisissant celui des Cisterciens, entra à l'abbaye de Pontigny. Ses mérites ne tardèrent pas à le faire distinguer. D'abord prieur de cette abbaye, il fut ensuite appelé à diriger, comme abbé, deux monastères issus d'elle : Fontaine-Jean, au diocèse de Sens, et Charlis, près de Senlis.
Il exerça ces charges en y montrant particulièrement une mansuétude, une humilité, une mortification qui, bien plus que ses paroles, étaient une prédication pour tous. Depuis qu'il quitta le monde, jamais il ne mangea de viande, même pour raison de santé. Il se gardait de toute attaque d'amour-propre par une simplicité telle, qu'il jugeait meilleure une modeste obscurité qu'un acte de vertu qui eût attiré les regards.
Or, en 1199, l'archevêque de Bourges, Henri de Sully, mourut. Les chanoines, réunis pour lui désigner un successeur, ne pouvant se mettre d'accord, firent appel aux lumières de Tévêque de Paris, Eudes, qui jadis avait eu la charge de chantre dans' leur chapitre et jouissait d'une grande réputation de prudence et de sainteté. En sa présence, ils résolurent de limiter leur choix à l'un des chefs de trois abbayes de l'ordre de Cîteaux, parmi lesquels celui de Charlis. A lui de dé^der entre eux. L'évêque voulut prendre le temps de la prière et de la réflexion. Il y consacra la nuit entière dans l'église de Notre-Dame ; le lendemain matin, en présence de deux hommes de haute vertu, qui plus tard devaient gouverner, l'un l'église de Tours, l'autre celle de Meaux, il déposa sous la nappe de l'autel où il allait célébrer la sainte messe trois billets portant le nom des trois abbés. Le sacrifice achevé, et après une longue prière qui demandait à Dieu de se prononcer lui-même en faveur du plus digne, sa main saisit un billet : il portait le nom de Guillaume de Charlis. Alors, avec ses deux compagnons, il allait trouver les chanoines qui, réunis, l'attendaient. Mais à sa rencontre il vit soudain venir la majorité d'entre eux. D'une seule voix ils acclamaient Guillaume, demandant qu'on leur donnât pour évêque celui qui, par ses mœurs, par sa science, par sa haute naissance, méritait d'être préféré à tous. Dans cet hommage spontané, Eudes vit la confirmation de la réponse qu'il avait demandée à Dieu. Et tous, se rendant à la cathédrale de Saint-Étienne, rendirent grâce au Maître du sort et des cœurs et proclamèrent à l'envi Guillaume archevêque de Bourges et primat d'Aquitaine.
Mais ce ne fut pas sans peine que l'humilité du saint abbé se soumit à l'élection. Il fallut que l'abbé de Cîteaux, chef de son ordre, lui fit une obligation d'accepter l'honneur où il ne voyait qu'un fardeau ; ce fut aussi le commandement que lui donna le légat du Saint-Père. Il ne lui restait qu'à courber la tête ; il le fit en pleurant ; la chère abbaye qui lui avait donné la paix, les frères qu'il dirigeait avec une paternelle douceur, il les quitta dans les larmes et en se recommandant aux prières des plus petits.
Archevêque, Guillaume ne modifia ni ses habitudes ni son caractère. Au milieu des richesses et des honneurs qu'il subissait, il garda son lourd et simple vêtement de moine, qui recouvrait toujours un cilice. Sa tablé devait être somptueusement servie, ouverte aux hôtes les plus nobles ; mais lui-même ne consentit jamais à toucher aux viandes qui la couvraient. Son humilité, sa patience, son constant souci du bien de ses ouailles, ne furent pas une fois en défaut. Il se souvenait d'être le disciple de Celui qui était venu, non pour être servi, mais pour servir. Et son indulgence allait si loin, qu'à quelques-uns elle semblait de la faiblesse. De fait, il souffrait vraiment lorsqu'il entendait une voix amère, bien que juste, relever les fautes les plus évidentes du prochain. Avec douceur alors il disait : « Frère, si vous repreniez durement un homme pour le frisson que lui donne la fièvre, pensez-vous que vos reproches l'empêcheraient de frissonner? Prions pour les pécheurs, compatissons à leur faiblesse, plutôt que de les réprimander avec aigreur. » Mais cette suavité évangélique, quand il était nécessaire, savait faire retraite devant la juste sévérité, ou plutôt s'accommodait avec elle. Aussi leur alliance emportait la victoire, bien plus encore sur les cœurs que dans les faits. Il eut à lutter quelque temps contre les prétentions injustes des clercs de sa cathédrale ; ceux-ci s'emportèrent jusqu'à se répandre contre lui en de graves outrages. Sans céder sur ce qu'il considérait comme ses droits d'évêque, il montra pourtant une telle mansuétude que les plus endurcis s'avouèrent vaincus. Le repentir des coupables alla si loin qu'ils décidèrent de lui abandonner, à lui et à ses successeurs, le droit de nommer aux prébendes, droit qui jusqu'alors leur appartenait. Mais sa modération, cette fois encore, s'opposa à ce sacrifice; il se crut suffisamment récompensé par la paix, qui dès lors ne cessa de régner dans son église.
La fermeté apostolique du Saint se montra mieux encore lorsque le divorce scandaleux de Philippe-Auguste contraignit le pape à jeter l'interdit sur tout le royaume. C'est en 1196 que le roi, qui depuis trois ans avait répudié Ingeburge de Danemark, osa s'unir à Agnès de Méranie ; deux ans plus tard, Innocent III, ne pouvant vaincre l'obstination des coupables, se résigna à une mesure de rigueur seule capable de les réduire. L'interdit prononcé, la vie religieuse s'éteignit en France. Le roi, irrité, s'efforça d'empêcher les évêques d'obéir aux prescriptions du pape. S'il y en eut qui furent assez faibles pour céder à ses injonctions, Guillaume de Bourges leur opposa une résistance, respectueuse sans doute, mais inébranlable. Ni exhortations, ni promesses de faveurs, ni menaces de déchéance, de confiscation, même d'exil, ne purent rien sur l'âme doucement énergique du saint prélat. Du reste Philippe-Auguste comprit et estima une conduite si vraiment ecclésiastique. Quand, revenu à son devoir, il eut fait sa paix avec l'Église, il montra au Saint qu'elle lui avait inspiré de la confiance et de la vénération.
En 1208, Guillaume avait quatre-vingt-huit ans et soupirait vers le repos de la vie éternelle. Néanmoins quand, cette année même, se décida la croisade contre les Albigeois, il fut des premiers à la prêcher, à s'y enrôler. Son diocèse avait beaucoup souffert des entreprises hérétiques, et du reste il était prêt toujours à se donner au service et au bien de l'Église. Ses exhortations entraînèrent l'adhésion de son peuple ; mais lui-même n'eut pas le temps de se mettre à leur tête. La mort de deux chers amis dans le Christ, Eudes, évêque de Paris, et Godefroy, évêque de Tours, en l'affligeant grandement, lui avait semblé marquer le terme prochain de sa propre vie. Il devait la donner au service des âmes. Rien n'est plus touchant que le récit de ses derniers jours.
Il avait célébré solennellement avec son peuple les fêtes de Noël. La veille de l'Epiphanie, malgré la fièvre qui déjà le tenait, il le réunit encore dans l'église cathédrale, et ses paroles qui l'exhortèrent à ne pas se laisser surprendre par la traîtrise de la mort, étaient comme son dernier adieu. Sa bénédiction donnée, il revint seul, tête nue à son habitude et sans aide, vers sa demeure. Mais le froid du vaste vaisseau de l'église, la rigueur extrême de la température ne pouvaient qu'aggraver son mal. Le 9 janvier, la fièvre l'amenait à l'extrémité. Il fit convoquer les frères qu'il avait toujours près de lui et reçut l'extrême-onction, humblement et dévotement. Puis il supplia qu'on lui donnât la sainte Eucharistie. Quand Notre-Seigneur entra dans sa chambre, il ramassa toutes ses forces : il se lève, se vêt et, à la stupeur des assistants qui l'avaient vu presque inanimé, va au-devant de son divin Maître, se prosterne devant lui à plusieurs reprises. Depuis deux jours il ne pouvait presque plus parler. Pourtant, à ce moment suprême, il prolonge sa prière d'une voix éteinte, mais courageuse toujours ; il recommande à son Sauveur son dernier combat, lui demande d'achever de purifier son âme. Puis les mains étendues en croix, les yeux au ciel, il reçoit le Corps divin avec des larmes de foi.
Il vécut quelques heures encore, recueilli dans une prière que l'on voyait agiter doucement ses lèvres. La nuit était venue ; il se fit apporter ses vêtements épiscopaux, choisit entre eux les plus modestes, les moins riches, ceux qu'il portait à sa consécration et réservait pour sa sépulture. Et puis, pensant qu'il ne verrait pas le jour, il voulut anticiper là récitation de l'office : il fit signe aux assistants et, marquant de la croix ses lèvres et son cœur, il commença de sa voix mourante : « Domine, labia mea aperies... » Il ne put en dire plus. A sa place, un religieux, son ami préféré, continua la prière, que tous poursuivirent jusqu'à la fin des heures canoniales.
Alors l'évêque fait signe de le déposer à terre. « Il ne convient pas que le chrétien meurt sinon sur la cendre et sous le cilice. » On répand donc de la cendre sur le sol; on y couche le Saint, qui, à l'insu presque de tous, était encore revêtu du cilice qu'il ne quittait point. Au bout de quelques instants, en donnant une dernière bénédiction à ses frères, il exhale son âme entre les mains de Dieu.